Raisons de l'obtention de la garde totale des enfants avant le délibéré du juge

Bonjour, Je suis passée, ce 3 décembre 2020, en audience en assignation à bref délai pour la garde de mes enfants dans le cadre d'une séparation hors divorce avec mon ex-conjoint. Depuis notre séparation en juin 2020, nous avons mis en place une garde principale chez moi avec un week-end sur deux ainsi que la moitié des vacances scolaires chez le père. Je ne me suis d'ailleurs nullement opposée à ce que les enfants continuent à vois leur père et lui n'a jamais proposé d'autres solutions. De son coté, il ne participe plus à aucun frais concernant les enfants depuis notre séparation, me mettant en difficulté financière. Installée depuis 4 ans en Loire-Atlantique, je dois m'installer en région parisienne en fin d'année, région de laquelle mes enfants, leur père et moi même sommes originaires, prenant mon nouveau poste suite à un détachement professionnel (fonction publique) impérativement le 4 janvier 2021. Le jour de l'audience, la Juge aux Affaires Familiales a annoncé une date de délibéré au 20 janvier 2021, ajoutant que les enfants "restaient" en Loire-Atlantique en attendant. Cependant, au vu de l'organisation mise en place depuis notre séparation, du manque absolu de dialogue avec le père de mes enfants et de son comportement agressif et vindicatif à mon égard, il m'est inconcevable de partir sans mes enfants. Je demande la garde principale de mes enfants avec une pension alimentaire de 180/mois/enfant et lui, de son côté demande une garde principale avec une droit de visite et d'hébergement pour moi un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires avec pension alimentaire de 120€/mois/enfant et frais de déplacement à ma charge, ou dixit son avocate, "si je reviens à la raison et décide de rester en Loire-Atlantique", une garde alternée sans pension alimentaire puisque partage des frais. Mon avocate, bien qu'elle même maman, comprend l'injonction contradictoire à laquelle je fais face et me soutiendra dans mes démarches, m'incite cependant à rester prudente dans mes choix invoquant que mon départ avec mes enfants pourrait être lourd de conséquence. La continuité pédagogique, matérielle, familiale et économique seront maintenues pour mes enfants. Victime de violence conjugale, j'ai déposé une plainte contre monsieur, jugée trop tardive au yeux de l'avocate de monsieur, faisant fi d'une démarche d'intérêt personnel me concernant. Je ne peux, en tant que maman, au vu du lien que j'ai avec mes enfants et au vu du comportement manipulateur de mon ex-conjoint, les laisser pendant presque 3 semaines, le temps d'attente du délibéré, et je ne peux professionnellement pas décaler ma date de prise de poste. Pourriez-vous justement m'expliciter cette "lourdeur de conséquence" ?

Question posée le : 06/12/2020

Madame,

En l’espèce, vous êtes passée le 03 décembre 2020 en audience en assignation à bref délai pour la garde de vos enfants dans le cadre de votre séparation avec votre ancien conjoint. Le délibéré de cette décision de justice interviendra le 20 janvier 2021, la juge aux affaires familiales a pris la décision de maintenir vos enfants en Loire-Atlantique, le département actuel de résidence de vous et de votre ancien conjoint, et ce malgré votre obligation de détachement professionnel dans une autre région à compter du 4 janvier 2021.

En principe, le troisième alinéa de l’article 373-2 du Code civil dispose que « Tout changement de résidence de l’un des parents, dès lors qu’il modifie les modalités d’exercice de l’autorité parentale, doit faire l’objet d’une information préalable et en temps utile de l’autre parent. En cas de désaccord, le parent le plus diligent saisit le juge aux affaires familiales qui statue selon ce qu’exige l’intérêt de l’enfant ». 



Ainsi, en cas de déménagement la résidence alternée devient complexe à mettre en place puisque la proximité géographique des domiciles est un critère d’appréciation primordial pour organiser la résidence alternée (CA Paris, 22 janvier 2015, n°13/10862). Il est indispensable que le parent à l’initiative de ce déménagement, démontre qu’il existe des raisons objectives qui l’ont contraint à déménager au cours de la procédure. Le déménagement pour raison professionnelle, telle une mutation de poste, est le motif le plus souvent cité. A ce titre vous pouvez vous référer à de nombreuses décisions de la Cour d’appel : 

- CA Agen, chambre matrimoniale 1, 11 avril 2013, n°12/01439 

- CA Fort-de-France, 26 juillet 2012 n°12/00433
 - CA Aix en Provence, Chambre 6 A, 22 mai 2014 n°2014/274 


En revanche, le parent contraint de supporter le déménagement peut se prévaloir à la fois : du non-respect de ses droits en tant que parent par application du troisième alinéa de l’article 373-2-11 du Code civil, du besoin de stabilité de l’enfant, et éventuellement, au respect du principe de non-séparation de la fratrie si l’enfant a des demi-frères ou des demi-sœurs restant avec l’autre parent.


S’agissant du non-respect des droits du parent, lorsque l’un des parents déménage sans attendre l’autorisation du juge aux affaires familiales, éloignant ainsi brutalement l’enfant de l’autre parent, cela constitue un manque de respect des droits de l’autre parent (CA Paris, 10 mars 2015 n°13/19783).

En outre, il a pu être jugé que le déménagement connu de la mère qui a mis le père devant le fait accompli justifiait le transfert de la résidence de l’enfant chez le père, la mère ne respectant pas les droits de ce dernier (CA Limoges, 10 mai 2010, n°09/01504). Dans un cas similaire, il a été jugé que « le coup de force de la mère est en tous points contraire à l’intérêt supérieur du jeune, brutalement arraché à son environnement social » (CA Lyon, Chambre civile, 29 janvier 2009). 



Enfin, le besoin de stabilité (scolaire, géographique, amicale, affective) est également un élément déterminant pour fixer la résidence de l’enfant (CA Paris, 19 décembre 1990, CA Metz, chambre de la famille, 12 janvier 2010 n°09/03343, CA Caen, chambre civile 3, 11 juin 2015 n°14/01132). En effet, des juges du fond ont pu décider dans certains cas qu’il n’était pas souhaitable de modifier le cadre de vie des enfants en cas de déménagement de l’un des parents. Ainsi, il a pu être jugé que l’installation de la mère dans une nouvelle région pour des raisons personnelles ne présente pas à ce jour des garanties de stabilité justifiant de bouleverser la vie de l’enfant quand bien même le cadre de vie proposé est agréable (CA Paris, 17 février 2015, n°14/15085).

En conséquence, il semble que vous soyez effectivement dans une situation d’injonction contradictoire, or, il semble qu’il soit préférable en raison des éventuelles conséquences d’un tel départ, d’agir comme vous l'a conseillé votre avocate avec la plus grande prudence. La juge aux affaires familiales devra décider si le besoin de stabilité de l’enfant, le maintien de ses repères avec son cadre de vie habituel est conforme à son intérêt et si le non-respect des droits de l’un des parents doit être sanctionné.

Merci, bien à vous.

Réponse du: 07/12/2020
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